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janahamilton96

La Vie Sexuelle De Catherine M Telechargerl



L'idée de notre tribune était née à la suite de la remarque d'un éditeur selon lequel, dans le climat actuel, plus aucun de ses confrères n'oserait publier mon livre, La Vie sexuelle de Catherine M.. Cette remarque nous avait choquées et inquiétées. Sorti en 2001, le livre avait immédiatement rencontré un énorme succès national et international.


Au cours de la polémique qui a suivi la parution de notre tribune, je me suis vu reprocher à plusieurs reprises une déclaration selon laquelle je regrettais presque de n'avoir pas subi moi-même un viol afin de pouvoir démontrer par mon exemple qu'il était possible d'en surmonter le traumatisme. Cette déclaration ne date pas d'hier, je l'ai souvent faite, au cours d'interviews ou lors de rencontres publiques, et bien sûr je parlais toujours en mon nom propre, celui de Catherine M., si je puis dire, c'est-à-dire à partir de l'expérience de la sexualité qui était la mienne et que j'avais racontée dans mon livre. Il n'est donc pas inutile d'en rappeler le contenu. J'ai connu de multiples partenaires, certains ont été mes amis pendant des années, d'autres, inconnus, le sont restés, hommes rencontrés au hasard et dont j'ai parfois à peine entrevu le visage. Je garde de ce mode de vie le souvenir de moments excitants, joyeux, heureux. Bien sûr, la relation sexuelle engagée, il m'est arrivé aussi de trouver mon partenaire décevant, ou même désagréable, voire dégoûtant. Dans ces cas-là, cet homme ne disposait que de mon corps, mon esprit était ailleurs et ne gardait aucune trace qui pût le hanter. D'ailleurs, quelle femme n'a pas connu cette dissociation de son corps et de son esprit ? Laquelle ne s'est pas abandonnée à son mari ou à son compagnon, la tête pleine des soucis de la journée ? Laquelle, sa peau contre la peau d'un homme malhabile, ne s'est pas laissée aller au rêve d'être avec un autre ? J'ai même ma petite théorie sur ce sujet ; je pense que celle (ou celui) qui est pénétrée dispose plus de cette faculté que celui qui pénètre.




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Dans les débats qui ont suivi la publication de la tribune, on m'a également reproché ma compassion pour les frotteurs du métro. Je considère qu'il peut y avoir parmi eux des hommes en errance sexuelle et souffrant de l'être. Sans doute est-ce là encore un sentiment mûri dans mon enfance croyante, mais il n'est pas obligatoire d'en passer par le catholicisme pour se montrer attentif aux autres. Qu'on écoute les témoignages que Sonia Verstappen, ancienne travailleuse du sexe et aujourd'hui anthropologue, elle aussi signataire de notre tribune, a pu donner dans des films et des émissions de télévision. Qu'on lise les ouvrages de cette merveilleuse écrivaine que fut Grisélidis Réal, elle aussi prostituée, et ce qu'elle dit de la misère sexuelle de certains hommes. Il m'est arrivé, lorsque le masturbateur souterrain devenait décidément insistant au point de m'importuner (1), de lui demander à voix haute d'arrêter. Cela suffit à le détuméfier. Puisqu'une loi existe, j'admets que des femmes mises mal à l'aise le dénoncent, mais n'ai-je pas le droit, moi, de ne pas le dénoncer ?


Notre tribune n'avait pas d'autre ambition que de rappeler que toutes les femmes ne réagissent pas de la même façon aux agressions masculines. Que si le viol est un crime et le harcèlement un délit, condamnés par la loi, c'est-à-dire par tous, toutes et tous, nous ne percevons pas de la même façon gestes et actes sexuels parce que rien n'est plus singulier, rien ne nous différencie plus les uns des autres, au plus profond dans notre intimité, que le rapport que nous avons avec notre propre corps, que la morale sexuelle que nous nous forgeons au fil de la vie.


Nous ne sommes pas réductibles à notre corps et je suis surprise que ce mot de résilience ait été si peu employé dans les débats récents. La résilience est la capacité que l'être humain se donne de surmonter un traumatisme. Or les procès pour viol sont souvent longs et éprouvants pour les victimes et, avant que justice ne soit rendue, les enferment dans le ressassement de leurs souvenirs douloureux. C'est pourquoi il me semble d'autant plus important de dire et de répéter qu'il existe d'autres modèles que ceux qui enchaînent la psyché au corps et que ces modèles peuvent aider des femmes enfermées dans leur souffrance. Notre tribune a recueilli beaucoup de signatures et beaucoup étaient accompagnées de témoignages spontanés de femmes qui nous disaient avoir subi des agressions sexuelles mais être néanmoins heureuses d'avoir su les surmonter, parfois presque les oublier, pour vivre aujourd'hui une vie amoureuse et sexuelle équilibrée. Elles sont des exemples à suivre. Fallait-il les priver de la parole dont notre tribune s'est voulue l'écho ?


(1) Nous écrivions dans notre tribune : Nous pensons que la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d'importuner. Et nous considérons qu'il faut savoir répondre à cette liberté d'importuner autrement qu'en s'enfermant dans le rôle de la proie.


Il faut dire que Catherine Millet a un rapport particulier à son genou, comme à toute autre partie de son corps : son corps n'est pas sa personne, et vaut moins que sa conscience , affirmait-elle sur France Culture le 5 décembre dernier. Quiconque se l'approprie n'atteint donc pas à sa personne. CQFD. C'est cette capacité de distanciation qui lui a permis des pratiques échangistes décrites dans La Vie sexuelle de Catherine M. et qui lui fait dire à la journaliste quelque peu éberluée que son grand regret est de n'avoir pas été violée , ce qui lui aurait permis de montrer que du viol, on s'en sort .


Un livre érotique à l'écriture plate, bâclée ou grivoise n'est qu'un torche-cul. Il faut toujours avoir du style, en particulier dans ce domaine où la médiocrité tourne vite au fiasco. Parue en 2001, La Vie sexuelle de Catherine M. restera un classique parce que jamais aucune femme n'avait raconté avec autant de franchise et d'impudeur sa boulimique sexualité libertaire; parce qu'une écriture classique à l'élégante maîtrise faisait contrepoint à la crudité des mots et des scènes. Publicité


Jour de souffrance est la version sentimentale et intellectuelle de La Vie sexuelle de Catherine M. D'ailleurs, on y retrouve certains épisodes, comme sa rencontre avec l'écrivain Jacques Henric, l'homme de sa vie. Avant lui, il y eut Claude, fondateur d'Art Press, revue dont Catherine Millet est la directrice de la rédaction. Il réglait leurs différends par la violence, alors que Jacques Henric leur donne une conclusion provisoire sur l'oreiller. Tout compte fait, si Catherine Millet a baisé avec une multitude d'hommes, il n'y en a eu que deux dans son lit. Elle a ouvert sa porte avec beaucoup moins de générosité que ses cuisses. La suite après cette publicité


Dans un couple de libertins où la transgression des codes moraux est fondée sur la quête, tantôt personnelle, tantôt collective, du plaisir, sur l'indépendance, sur la disponibilité, sur la permissivité et sur la sincérité de chacun, on pourrait croire que la jalousie est impossible. Eh bien, si! Dans La Vie sexuelle? (pp. 73, 74 et 75), Catherine Millet en faisait brièvement l'aveu. Cette fois, la jalousie occupe tout le livre, et bien des femmes et des hommes de couples ordinaires se reconnaîtront dans la naissance, les mesquineries, les désordres et la douleur de ce sentiment, même si les ressorts psychologiques n'en sont pas les mêmes. Encore que?


Catherine Millet n'a jamais associé l'amour et le plaisir sexuel. Mais, au fil des années, ses sentiments pour Jacques Henric ont grandi au point de lui rendre intolérables ses aventures avec d'autres femmes, qu'il gardait secrètes. Elle en eut la révélation par la lecture sans scrupule de ses carnets et des paquets de lettres qu'il avait reçues. Plus les initiales et les notations étaient énigmatiques, plus son imagination la torturait. Laissait-il ici et là des papiers griffonnés et froissés? Elle les défroissait et les lisait. Sa jalousie était devenue obsessionnelle. Et rien n'y faisait: ni les explications, ni les silences, ni les sanglots, ni les crises de violence, ni son corps qu'elle jetait contre les murs, ni l'amour fait dans la détresse ou la compassion. Même ses rêves, et surtout les films très élaborés qui accompagnaient ses séances de masturbation et sur lesquels elle est d'une précision d'animatrice de "club d'art et d'essai", en étaient complètement désorganisés. Elle ne fantasmait plus sur sa vie sexuelle, mais sur celle de Jacques. C'est à une "désintégration" de sa personne qu'elle assistait, impuissante. La suite après cette publicité La suite après cette publicité


Catherine Millet n'était-elle pas dans la position ridicule de ces maris qui trompent effrontément leur femme depuis longtemps et qui, lorsqu'ils apprennent qu'elle a un amant, rugissent de colère et d'indignation? Il y a de ça, mais c'est plus compliqué. Car le corps que Catherine Millet livrait, dans des lieux improbables, aux mains et au sexe de multiples partenaires, et qui ne lui procurait pas toujours le plaisir qu'elle en attendait, était bien le sien, mais si flottant, si détaché d'elle-même, si ailleurs, qu'il n'était pas le même que le corps aimant, jouissant et souffrant de ce qu'elle aurait pu appeler le domicile conjugal. Voilà que chez une grande libertine le c?ur s'en mêle, et c'est la panique. Voilà que la libertaire sexuelle imagine son homme dans les bras de femmes plus jeunes qu'elle, et c'est la débâcle. La jalousie n'est pas raisonnable. Le c?ur a ses raisons que le sexe ne connaît pas.


Catherine Millet, intellectuelle rompue aux analyses savantes de l'art moderne, s'efforce, avec cette franchise implacable qui est la sienne, de mettre au jour les ressorts de sa profonde détresse qui a duré plusieurs années. Pour Jacques Henric, à n'en pas douter, un livre d'amour. Pour nous, la longue confession sur notre divan de psy amateur d'une femme qui n'est pas aussi impassible et cynique que la lecture de La Vie sexuelle? pouvait nous le laisser croire. Sommes-nous émus? Non, à notre tour d'être francs, nous sommes rassurés. 2ff7e9595c


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